Halida BOUGHRIET, Mémoire dans l’oubli, 2010-2011.
Présentation par Emilie Goudal
Née en 1980 à Lens, diplomée de l’École des Beaux-arts de Paris - formation qu’elle consolide par une expérience new-yorkaise à la School of Visual Arts, section Cinéma -, Halida Boughriet est une artiste de citations, s’inscrivant dans une généalogie richement référencée de l’histoire de l’art occidentale. Elle en déconstruit et détourne la violence sociale et l’assignation visuelle, dans une action performative de (re)définition avec et contre l’image ; une démarche dont le pendant féminin de la série Mémoire dans l’oubli (2010-2011) est l’une des plus sensibles illustrations.
Le gynécée factice et crépusculaire de Mémoire dans l’oubli est une évidente référence aux Femmes d’Alger immortalisées par Delacroix, et plus largement aux odalisques de la peinture et de la photographie orientalistes.
« Ces photographies, explique l’artiste, font partie d’une série de portraits de veuves ayant subi les violences de la guerre en Algérie. Ces femmes, dont les portraits représentent une mémoire collective, en sont les derniers témoins. Cependant, quand on évoque la guerre en Algérie, on ne pense jamais à ces femmes, parce que ni l’histoire officielle ni l’imagination populaire de la guerre ne les inclut ou très peu. (…) Cette série a contribué à les réintégrer comme une part importante de l’histoire, elle constitue aujourd’hui des archives. De plus, je les ai transformées en sujet photographique, en réappropriant la surface de l’image. »
Ces femmes âgées, montrées dans le confinement d’un intérieur domestique, dont le savoir mémoriel est matérialisé par la lumière nimbant les contours de leurs visages, semblent ici dans l’attente d’être animées, avant que le temps n’enferme à tout jamais une parole restée dans l’antichambre de l’histoire.