Exposition ADEN-MARSEILLE - Peintures et sculptures de Nasser AL-ASWADI.

Du 21 octobre 2025 au 30 mars 2026 - MARSEILLE. Centre de la Vieille Charité.

  • ALASWADI, Alphabet sudarabique.

    Alphabert sudarabique, 2023. Sculpture en inox, 65 x 65 x 65 cm. Signé et daté par l’artiste. Pièce unique. © Nasser Al Aswadi. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • ALASWADI, Houd Houd 1.

    Houd Houd 1, 2023. Huile et pigments sur toile, 145 x 135 cm. © Nasser Al Aswadi. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

Exposition ADEN-MARSEILLE. Peintures et sculp­tu­res de Nasser AL-ASWADI.

Présentation par Claude Lemand

Je me réjouis que les musées de Marseille aient décidé de mettre en lumière les oeu­vres récen­tes, sculp­tu­res et pein­tu­res, de l’artiste yémé­nite et fran­çais Nasser Al-Aswadi. Ces œuvres repré­sen­tent un abou­tis­se­ment et un tour­nant dans son par­cours de 20 ans à Marseille, un enri­chis­se­ment de ses formes et sym­bo­les, puisé dans les pério­des ancien­nes des cultu­res du Yémen : l’alpha­bet suda­ra­bi­que et la huppe, l’oiseau féti­che de la Reine de Saba.

En effet, en même temps que ce pre­mier usage dans ses sculp­tu­res de l’alpha­bet ancien du Yémen, l’Arabie Heureuse des Anciens, Nasser Al-Aswadi fait surgir dans ses pein­tu­res la pre­mière forme figu­ra­tive, le profil de la Huppe. Jusque-là, ses pein­tu­res étaient tou­jours per­çues comme ayant des formes abs­trai­tes, des­si­nées par un tis­sage libre et savant de mots arabes, manus­crits et répé­tés des mil­liers et des mil­liers de fois, jusqu’à l’extase, pro­vo­quant la trans­fi­gu­ra­tion de l’espace en nuages, en pla­nè­tes, en lunes aux mul­ti­ples phases (est-ce déjà le dieu-lune des Sabéens ?).

Nasser Al-Aswadi a une pré­di­lec­tion pour les formes par­fai­tes (le tondo en pein­ture et la sphère en sculp­ture (des espa­ces dif­fi­ci­les à maî­tri­ser, un vrai défi pour les artis­tes), qui ont une forte charge sym­bo­li­que. La sphère n’a ni com­men­ce­ment ni fin, elle offre des visions ouver­tes et illi­mi­tées sur la vie de notre pla­nète et sur l’uni­vers. Comme objet, cette sphère est formée de let­tres en métal, décou­pées au laser et sou­dées les unes aux autres pour former une pla­nète par­faite, un vitrail sphé­ri­que, tra­versé par la lumière et créant une mul­ti­tude de formes selon l’angle de vision. Face à l’œuvre, l’œil passe de lettre en lettre et effec­tue le même geste, celui-ci laïc et artis­ti­que, en sub­sti­tut au geste du croyant qui égrène les 99 boules de son cha­pe­let en réci­tant les 99 noms de Dieu et sem­bla­ble aussi au geste répé­ti­tif de l’artiste, qui com­bine sur sa sphère les let­tres de son alpha­bet suda­ra­bi­que et ins­crit sans se lasser sur sa toile le même mot jusqu’à l’extase, pro­dui­sant des pein­tu­res contem­po­rai­nes aux allu­res de talis­mans.

La Huppe n’est pas men­tion­née dans le récit bibli­que de la visite que fit la Reine de Saba au roi Salomon à Jérusalem (Premier Livre des Rois, 10. 1-13), contrai­re­ment au récit cora­ni­que qui la met à l’hon­neur comme mes­sa­gère intel­li­gente, éloquente et indis­pen­sa­ble entre le Roi et la Reine (Coran, Les Fourmis, 27. 20-44), fai­sant d’elle l’oiseau sym­bole de l’Islam.

L’Alphabet suda­ra­bi­que est-il pour Nasser Al-Aswadi un moyen d’échapper à l’alpha­bet arabe, devenu aux yeux des Occidentaux trop assi­milé à un Islam enva­his­sant ? Ou est-ce une volonté d’inté­grer dans son œuvre toutes les civi­li­sa­tions du Yémen ? Ou la simple volonté d’affir­mer pai­si­ble­ment que tout alpha­bet pos­sède des valeurs sym­bo­li­ques et artis­ti­ques pour qui sait le maî­tri­ser et inven­ter les com­bi­nai­sons et méta­mor­pho­ses illi­mi­tées de formes, qui chan­tent l’har­mo­nie uni­ver­selle et enchan­tent tous les Humains, par­tout et tou­jours.

Loin de son pays en guerre, l’artiste redonne vie et réa­lité sym­bo­li­que aux arts, cultu­res, his­toi­res, légen­des et héros de son pays idéal, à l’Arabie Heureuse du passé et de l’avenir, faite de pros­pé­rité, de beauté, d’har­mo­nie avec la Nature, avec les peu­ples voi­sins et loin­tains, un vœu de fra­ter­nité uni­ver­selle. La magie de l’Art n’est-elle pas de pou­voir conso­ler les indi­vi­dus et les socié­tés bles­sés et d’ouvrir une fenê­tre sur une meilleure condi­tion humaine ?

Copyright © Galerie Claude Lemand 2012.

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