CHOUKINI, Li Bayrouth - Un bronze pour Beyrouth.

Du 14 mars au 14 avril - Galerie Claude Lemand

  • CHOUKINI. Bronze - Li Bayrut.

    Li Bayrut (Pour Beyrouth), 2020. Bronze original, 153 x 65 x 30 cm. Claude Lemand Editeur d’Art, Paris. Fonderie Fusions, France. Edition de 7 + 3 E.A. Signées et numérotées. Donation Claude & France Lemand : 1/7 Musée de l'Institut du monde arabe, Paris. 2/7 Musée Sursock, Beyrouth, Liban. © Chaouki Choukini. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • CHOUKINI, Li Bayrut.

    Li Bayrut (Pour Beyrouth), 2020. Sculpture en bronze, 153 x 65 x 30 cm. Claude Lemand Editeur d’Art, Paris. Fonderie Fusions, France. Signées et numérotées. Edition de 7 + 3 EA. © Chaouki Choukini. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • CHOUKINI, Photo dans son atelier en Normandie 2020.

    Chaouki Choukini sculptant Li Bayrut dans son atelier en Normandie, le 5 mai 2020. © Chaouki Choukini. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

Chaouki CHOUKINI, Pour Beyrouth, 2020. Bronze ori­gi­nal, numé­roté et signé.
___

- Numéro 3/7. En vente sur le stand D21. Galerie Claude Lemand - ART PARIS 2025 - Grand Palais, Paris.
- Numéro 1/7. Donation Claude & France Lemand. Musée de l’Institut du monde arabe, Paris.
- Numéro 2/7. Donation Claude & France Lemand. Musée Sursock, Beyrouth, Liban.
___

Thierry Savatier, his­to­rien de l’art.

Au cœur de l’œuvre du sculp­teur Chaouki Choukini, Li Bayrut (2020) s’ins­crit dans une sin­gu­la­rité née d’un événement tra­gi­que, l’explo­sion qui dévasta Beyrouth le 4 août 2020. Si les sculp­tu­res de l’artiste frap­pent géné­ra­le­ment par leur ver­ti­ca­lité, celle de Li Bayrut, tou­te­fois, ne se confond pas avec l’élan vers l’infini dont Le Corbusier ou Louis-Ferdinand Céline s’étonnaient en décou­vrant les gratte-ciels de New-York depuis l’océan. Ici, l’orga­ni­sa­tion for­melle semble pro­fon­dé­ment ancrer l’opus dans la terre ances­trale, tout en don­nant à voir, par les jeux de matière, les formes, les pleins, les évidements, les entailles et les reliefs savam­ment amé­na­gés, l’image du chaos. Ce n’est pas le moin­dre des para­doxes que de sug­gé­rer la soli­dité dans l’effon­dre­ment. L’esthé­ti­que sobre de l’ensem­ble y conduit pour une large part.

La sculp­ture ori­gi­nale fut exé­cu­tée, sui­vant l’habi­tude de Chaouki Choukini, en taille directe dans le bois. Un bois moins poli qu’à l’habi­tude cepen­dant, l’artiste ayant tra­vaillé des effets de matière que l’on pour­rait assi­mi­ler à des stig­ma­tes, quand il ne montre pas des stra­tes de bri­ques mises à nu. La ver­sion en bronze les conserve, mais la patine choi­sie pro­pose une œuvre plus impla­ca­ble encore, puis­que, sous la couche brune, émerge, avec une dis­cré­tion mesu­rée, une couche rouge qui n’est pas sans évoquer le sang versé de mil­liers de Libanais.

Le regar­deur s’inter­roge, car cette cons­truc­tion mono­li­thi­que ne paraît pas sans rap­port avec le désor­mais emblé­ma­ti­que silo à grains du port de Beyrouth, qui, bien que situé près de l’épicentre de l’explo­sion, dresse encore quel­ques pans de murs comme un défi au temps. On sait que le bâti­ment crée un vif débat jusqu’au sein de l’Etat, entre ceux qui vou­draient détruire ce témoi­gnage embar­ras­sant de leur incu­rie et ceux qui, avec les famil­les des vic­ti­mes, sou­hai­te­raient le conser­ver au nom de la mémoire col­lec­tive. Quel que soit le deve­nir de ces ruines, le carac­tère mémo­riel de Li Bayrut, lui, demeu­rera, à la fois comme un hom­mage pétri d’huma­nité et un sym­bole abs­trait de spi­ri­tua­lité.

Les sculp­tu­res de Chaouki Choukini témoi­gnent de son esthé­ti­que sin­gu­lière. Abstraites, elles n’en incluent pas moins quel­ques détails miné­raux ou bio­lo­gi­ques, voire anthro­po­mor­phes ou que l’on peut inter­pré­ter comme tels (Liberté fauve I). Ses cons­truc­tions for­mel­les étranges sem­blent par­fois défier les lois de l’équilibre ; elles pré­sen­tent des évidements ou des saillies inat­ten­dus qui plon­gent le spec­ta­teur dans un ima­gi­naire à la fois oni­ri­que et d’autant plus inquié­tant que la dou­ceur des sur­fa­ces impec­ca­ble­ment polies contraste avec le carac­tère par­fois sombre de l’ensem­ble (Paysage au clair de lune, 1978 ; Lieu, 1978). Lorsque l’on sait que l’artiste tra­vaille le bois en taille directe, on mesure sa dex­té­rité à jouer des oppo­si­tions matière/lumière pour en tirer le meilleur profit.

La spi­ri­tua­lité et la méta­phy­si­que mar­quent la plas­ti­que de ses œuvres, tout comme l’huma­nité les imprè­gnent (Petit prince. Enfant de Gaza, 2010). L’artiste ne s’inter­dit pas pour autant quel­ques hom­ma­ges à l’art de ses pré­dé­ces­seurs, par­fois avec un cer­tain humour sur­réa­liste (Hommage à Breughel, 2001) ou un attrait pour l’allé­go­rie tra­gi­que, comme ce très toté­mi­que (Cheval de Guernica, bois, 2010 ; bronze, 2011) dont Picasso, pas plus que du tau­reau, ne livra la sym­bo­li­que secrète, lais­sant au regar­deur sa libre inter­pré­ta­tion. Les figu­res de Chaouki Choukini, qu’elles rap­pel­lent des pay­sa­ges, voire des vues satel­li­tes (Les Environs de Damas, 2012) dans leur hori­zon­ta­lité ou qu’elles défient le ciel dans leur ver­ti­ca­lité (Li Bayrut, 2020), frap­pent par leur esthé­ti­que mini­ma­liste, sans doute héri­tée de son expé­rience japo­naise venue com­plé­ter ses sen­si­bi­li­tés orien­ta­les et occi­den­ta­les.

Copyright © Galerie Claude Lemand 2012.

Réalisation :: www.arterrien.com