NAJIA MEHADJI, PEINTURES ET DESSINS, 2003-2011.

Du 4 mars au 13 avril 2013 - Espace Claude Lemand

  • MEHADJI, Fleur de grenade.

    Fleur de grenade, 2003. Huile sur toile, 170 x 195 cm. Donation Claude & France Lemand. Musée, Institut du monde arabe, Paris. © Najia Mehadji. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • Mehadji, Eros et Thanatos.

    Najia Mehadji, Huile sur toile, 190 x 200 cm. Monographie page 85. Donation Claude & France Lemand. Musée, Institut du monde arabe, Paris. © Najia Mehadji. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

Première expo­si­tion per­son­nelle de Najia Mehadji à l’Espace Claude Lemand, avec un choix d’oeu­vres remar­qua­bles des années 2000. Peintures sur toile et des­sins sur papier des séries Pivoine, Fleur de Grenade, Fleur d’aman­dier, Eros et Thanatos et Spring Dance. Najia Mehadji est repré­sen­tée dans de gran­des ins­ti­tu­tions publi­ques et pri­vées, en France (Centre Georges Pompidou, ...), au Maroc (col­lec­tion Société Générale, ...) et depuis peu dans les pays du Golfe.

Pascal Amel, Najia Mehadji, ou le sublime contem­po­rain.

L’entre-deux
Si, d’aven­ture, l’on cher­chait à citer, parmi quel­ques autres, le nom propre d’une artiste contempo-raine qui, de par sa bio­gra­phie et de par ses œuvres, sym­bo­lise l’union entre l’Orient et l’Occident, c’est celui de Najia Mehadji. Franco-maro­caine ou Maroco-fran­çaise, née en 1950, ayant vécu son enfance et son ado­les­cence à Paris, séjour­nant régu­liè­re­ment à Fès dont sa famille est ori­gi­naire, diplô­mée de l’Université Paris 1 où elle a sou­tenu en 1973 son mémoire sur Paul Cézanne, diplô­mée de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, elle expose dès les années 80 dans des gale­ries pari­sien­nes et, à partir de 1985, décide de par­ta­ger sa vie entre son ate­lier de Paris et celui du Maroc - près d’Essaouira, dans le pays Haha, dans un douar où elle s’est amé­na­gée un ryad tra­di­tion­nel.

Depuis, l’entre-deux est devenu son mode de vie. Outre sa par­ti­ci­pa­tion à de nom­breu­ses expo­si­tions col­lec­ti­ves inter­na­tio­na­les, pour ce qui concerne ses deux pays d’élection, « J’ai besoin des deux, dit-elle », dif­fé­ren­tes pério­des de son œuvre ont été pré­sen­tées à Bab Rouah, à Rabat, à l’espace Actua de l’Attijariwafabank et à la Société Générale de Casablanca ; aux musées de Poitiers et de Caen qui – dès la fin des années 80 - lui ont orga­nisé une expo­si­tion per­son­nelle ; à elles@­cen­tre­pom­pi­dou que Beaubourg a consa­cré aux femmes artis­tes contem­po­rai­nes du monde entier en 2009.

En France, contri­buant à l’effer­ves­cence artis­ti­que du milieu des années 70, elle expé­ri­mente l’extrême contem­po­rain qui s’y déroule. Dans les arts plas­ti­ques, Simon Hantaï, Judit Reigl, Jean Degottex, Martin Barré, le groupe Supports/sur­fa­ces inter­ro­gent la pein­ture à partir de ses com­po­sants élémentaires (toile, châs­sis, sur­face, plan, etc.) ; chacun de ces artis­tes s’enga­geant dans un pro­ces­sus volon­taire – des règles du jeu faculta­ti­ves mais cepen­dant radi­ca­les – leur per­met­tant de faire adve­nir à la sur­face ce qui, sans elles, n’aurait jamais pu l’être.

Najia tra­vaille un temps avec Peter Brook et le Living Theatre, grou­pes de théâ­tre d’avant-garde ouvert aux cultu­res dites alors « extra euro­péen­nes ». Suit les cours de Jerzy Grotowski qui, rom­pant avec les conven­tions occi­den­ta­les de la repré­sen­ta­tion théâ­trale (la cou­pure entre la scène et le public, la pri­mauté du texte, le jeu psy­cho­lo­gi­sant des acteurs, etc.) s’ins­pire des rituels eth­no­lo­gi­ques et du théâ­tre tra­di­tion­nel des civi­li­sa­tions orien­ta­les afin de créer la pos­si­bi­lité d’une « expé­rience scé­ni­que sacrée » par­ta­gée par les acteurs et les spec­ta­teurs où concré­ti­ser « l’uni­ver­sel humain ». Que ce soit dans le théâ­tre contem­po­rain ou dans la pein­ture, l’enjeu est moins l’inven­tion de la forme pour la forme que l’expé­rience, l’explo­ra­tion de soi, l’épreuve de l’œuvre, la trans­for­ma­tion de l’artiste et celle - sou­hai­tée – du regar­deur. En somme, il s’agit d’élargir le champ de la per­cep­tion de l’indi­vidu pour lui per­met­tre d’attein­dre un niveau plus élevé de cons­cience. Cette voie, dont la trans­for­ma­tion de soi et de la société cons­ti­tue l’objec­tif, se fonde sur une vision libé­ra­trice de l’être.

Durant ces mêmes années, Najia s’inté­resse plus par­ti­cu­liè­re­ment à la ges­tua­lité du Nô japo­nais et aux rituels soufis des der­vi­ches tour­neurs qu’elle trans­pose au fusain ou à l’encre noire. Elle crée des per­for­man­ces, avec des étudiants en musi­que contem­po­raine, en des­si­nant sur de gran­des feuilles de papier préa­la­ble­ment sono­ri­sées par des micro­contacts. C’est aussi la période où elle fré­quente le groupe Femmes/ Art et par­ti­cipe à la revue « Sorcières » où sont publiés ses pre­miers des­sins, sorte de dia­gram­mes en noir et blanc que l’on peut qua­li­fier d’« abs­trac­tion sen­si­ble ».

Plus tard, elle lit Bergson, Deleuze, Djalal el Din Rumi, Platon, Ibn Arabi. Apprécie les films de Dreyer, de Bergman, de Bresson, les cinéas­tes de la lumière et du gros plan, de l’affect et du visage. Se sent proche de Lucio Fontana et des artis­tes de l’Arte povera qui, issus de l’utopie contes­ta­taire de la fin des années 60, renou­vel­lent le para­digme Nature/Culture. De Robert Ryman et de Richard Serra, les mini­ma­lis­tes amé­ri­cains qui ont su garder la radi­ca­lité de la pensée et la sen­si­bi­lité de la main. Voit les Anthropométries d’Yves Klein, les sculp­tu­res d’Anish Kappor, les vidéos de Bill Viola ou les pein­tu­res de Lee Ufan comme autant de démar­ches artis­ti­ques qui unis­sent le concept et la per­cep­tion, la matière et l’imma­té­riel.

Elle pri­vi­lé­gie les œuvres lumi­neu­ses qui créent une sen­sa­tion de plé­ni­tude. Qui célè­brent les noces du corps et de l’esprit. Qui cap­tent « la puis­sance intem­po­relle de la vie ». La pein­ture des tombes des rois et des reines de l’Egypte pha­rao­ni­que, les moines zen japo­nais du XIIe siècle, Chu Ta, le pein­tre chi­nois du XVIIe siècle qui a inventé la liberté du trait, Behzad, le Maître des enlu­mi­nu­res per­sa­nes, les gran­des icônes russes, Giotto, Greco, Malevitch, Matisse, les arts de l’Islam et l’archi­tec­ture arabo-anda­louse, (qu’elle a perçus dès l’ado­les­cence, lors de visi­tes à l’Alhambra, de méder­sas ou de pro­me­na­des dans l’archi­tec­ture blan­che des médi­nas), font partie de ses réfé­ren­ces.

Franchir les portes de la per­cep­tion
« Pour capter le flux il faut aller à l’essen­tiel » dit Najia. Elle suit sa voie. C’est comme une ascèse. Elle tra­vaille chaque jour. A Paris. Ou à Lamsassa, près d’Essaouira. Elle conçoit. Elle peint. Elle des­sine. Choisit soi­gneu­se­ment ses outils qui sont à la fois plus rudi­men­tai­res et plus tac­ti­les que ceux de la pein­ture clas­si­que occi­den­tale. Utilise la baguette de balsa, de gros fusains, le pin­ceau coréen, les mains, l’encre, le gesso, l’épais stick à l’huile comme cou­leur, la toile en lin ocre comme réserve, le noir et blanc pour l’inten­sité de ses contras­tes, exclu­si­ve­ment une ou deux tein­tes mono­chro­mes par œuvre, des cou­leurs solai­res, lumi­neu­ses, le rouge, le jaune, l’orange. Agrafe directe-ment sa toile vierge ou sa feuille de dessin contre un mur pour mieux sentir la résis­tance du sup­port, le face à face du corps et de son report. Opte le plus sou­vent pour des formes opti­ma­les cen­trées, le cercle, le carré, l’octo­gone. Laisse agir la main pen­sante qui trace un réseau dyna­mi­que de lignes ou de tou­ches s’éployant en autant de struc­tu­res de flux oscil­lant entre la bidi­men­sion­na­lité et la tri­di­men­sion­na­lité. Le tracé ryth­mi­que qui des­sine la forme est ce qui en défi­nit l’exten­sion colo­rée. Comme si la pro­fon­deur sur­gis­sait à la sur­face.

Elle est autant du côté de l’agir que du non-agir, de l’action que de la contem­pla­tion, de la vérité de la sen­sa­tion que de la célé­bra­tion du sacré comme s’il s’agis­sait des deux faces oppo­sées et cepen­dant com­plé­men­tai­res d’un même sceau. Comme si la fer­ti­lité de la vitesse et la sen­sa­tion de la longue durée étaient une seule et même tem­po­ra­lité. L’Obscur et le Lumineux, une même spa­tia­lité. Le corps, le bras, la main, l’outil, l’empreinte, l’œil inté­rieur et exté­rieur, l’idée et la forme sont d’un seul et même tenant - une même « révé­la­tion ». Il n’y a pas de repen­tir pos­si­ble. Najia jette. Déchire. Garde ce qui est à l’aune de ce qu’elle consi­dère comme « effi­cace », l’art étant, pour elle, le moyen de la méta­mor­phose réelle de l’être et non pas seu­le­ment un enjeu esthé­ti­que ou sym­bo­li­que.

Elle crée le plus sou­vent par séries où chaque œuvre à son auto­no­mie, sa valeur intrin­sè­que. Icares. Tem. Ma. Coupoles. Chaosmos. Végétal. Gradient. Floral. Arborescence. Volutes. Spring Dance. Drapés. Son art est une médi­ta­tion sur la vul­né­ra­bi­lité de l’être se confron­tant à ce qui est de l’ordre du ver­tige et de l’intime. L’œuvre, qui en est le récep­ta­cle, devient sanc­tuaire. Elle n’est pas sou-mise à la sphère du reli­gieux, elle n’en dépend pas, elle ne l’illus­tre pas, mais l’œuvre a elle-même une fonc­tion spi­ri­tuelle.

Lors d’une récente visite d’ate­lier, l’artiste me pré­cise : « Pour moi, comme dans l’art de Chu Ta le dépouille­ment et la sim­pli­cité ne sont pas dépour­vus de sub­jec­ti­vité. Au contraire ! Chez lui, que ce soient un rocher ou des oiseaux qui se posent, tout est affect : joie, tris­tesse, vie, mort... Une simple fleur sug­gère des pen­sées phi­lo­so­phi­ques ou méta­phy­si­ques… C’est comme la Montagne Sainte Victoire de Cézanne ou dans ses aqua­rel­les les plus épurées : chaque touche est essen­tielle – néces­saire – le pay­sage nous regarde, la mon­ta­gne est vivante tel un auto­por­trait du pein­tre... C’est une manière méta­pho­ri­que de capter, sans gran­di­lo­quence, ce qui est plus intense et plus dura­ble que n’importe quelle vie indi­vi­duelle. Comment pein­dre le vent dans les bran­ches ? La beauté éphémère ? C’est tout l’enjeu de l’art zen qui, dans la dyna­mi­que vécue d’un trait d’encre ou d’un lavis, par­vient à res­ti­tuer la sen­sa­tion du vent et faire adve­nir un temps hors du temps. Comment pein­dre l’état d’esprit du moine qui se pro­mène dans un pay­sage ou qui le contem­ple ? Par la com­po­si­tion du vide et du plein, des tracés et des tou­ches sub­jec­ti­ves du pin­ceau qui, à tra­vers la repré­sen­ta­tion des arbres ou des plis du vête­ment du moine, par­vient à créer une méta­phore de l’eupho­rie ou de la nos­tal­gie, de la plé­ni­tude ou de la vacuité que ce der­nier res­sent. »

Un art « engagé »
Najia pense que chaque artiste peut réagir, à sa manière, au tra­gi­que de l’his­toire et de l’actua­lité. En 1993-94, bou­le­ver­sée par la des­truc­tion de Sarajevo - sym­bole de la coexis­tence des trois mono-théis­mes - « l’épuration eth­ni­que » et les crimes de guerre commis contre les Bosniaques, en ex-Yougoslavie, elle crée la série des Coupoles qui mani­feste son inté­rêt pour les formes trans­cultu­rel­les dans l’archi­tec­ture (notam­ment l’octo­gone), en fai­sant expli­ci­te­ment réfé­rence à la cos­mo­lo­gie des arts de l’Islam. Plus tard, en 2005, pour exor­ci­ser les vio­len­ces des guer­res du Proche-Orient, elle crée des œuvres numé­ri­ques inté­grant des détails agran­dis de gra­vu­res de Goya (dont les Désastres de la guerre) au sein de des­sins de fleurs fluo­res­cen­tes, comme une ten­sion entre Eros et Thanatos.

Elle est enga­gée mais ne déses­père pas de l’humain. Consciente que l’art – l’ordre du sym­bo­li­que – ne peut lutter à armes égales contre l’extrême vio­lence de la bar­ba­rie, elle se refuse de réduire l’œuvre à un mes­sage, aussi juste et alar­miste soit-il. Pour elle, le rôle de l’artiste n’est pas tou­jours d’ajou­ter du bruit au bruit, encore moins de pro­duire du diver­tis­se­ment ou du spec­ta­cu­laire insi­gni­fiant, mais de résis­ter au désen­chan­te­ment et à la déshu­ma­ni­sa­tion en créant des œuvres où, bien que mise en ques­tion, la plé­ni­tude de l’être finit par l’empor­ter sur le chaos. Il s’agit, pour elle, d’exor­ci­ser le mal et les forces délé­tè­res en épousant le flux de l’énergie vivi­fiante qui s’épanouit en autant d’œuvres révé­lant la beauté ful­gu­rante de l’invi­si­ble. Elle cite sou­vent Monet qui a offert son cycle des Nymphéas à la France, en novem­bre 1918, au sortir de la pre­mière guerre mon­diale, pour en faire « un monu­ment à la paix et redon­ner un peu de vie à une époque dévas­tée qui en a tant besoin ».

La nou­velle donne
Mondialisation cultu­relle oblige, depuis le début du XXIe siècle nous assis­tons à un événement sans pré­cé­dent : comme pour la lit­té­ra­ture, le cinéma ou la musi­que, l’élargissement du regard à la pla­nète entière est la révo­lu­tion esthé­ti­que majeure de l’art contem­po­rain de cette décen­nie.

Après la Chine, la Corée, l’Inde, l’Iran, la Turquie, le Mexique, le Brésil, c’est au tour des œuvres des artis­tes arabes – dia­spo­ras com­pri­ses – d’émerger sur la scène inter­na­tio­nale. Réagissant, à juste titre, au funeste 11 sep­tem­bre 2001 qui, au fil des années, a réduit média­ti­que­ment le « musul­man » aux cli­chés du ter­ro­risme et de la burqa, quel­ques per­son­na­li­tés poli­ti­ques luci­des et nombre d’hommes et de femmes de la société civile aspi­rant à davan­tage de jus­tice et de liberté ont investi le champ cultu­rel afin de chan­ger l’image du monde arabe. L’ouver­ture expo­nen­tielle de gale­ries publi­ques et pri­vées, de musées et de fon­da­tions consa­crées à l’art moderne et contem­po­rain dans le Golfe, au Proche-Orient et dans le Maghreb ; la créa­tion de maga­zi­nes et de sites inter­net spé­cia­li­sés dans l’art ; la syner­gie de gran­des expo­si­tions, de bien­na­les ou de foires inter­na­tio­na­les per­met­tant une plus grande cir­cu­la­tion des artis­tes et une meilleure visi­bi­lité de leurs œuvres, est un fait majeur. Depuis nombre de villes arabes, Dubaï, Abu Dhabi, Doha, Beyrouth, Damas, Amman, Ramallah, Le Caire, Tunis, Alger, Casablanca, jusqu’aux villes-mondes, en par­ti­cu­lier Paris, Londres, Berlin, New York, au sein des­quel­les vivent ou séjour­nent régu­liè­re­ment plu­sieurs d’entre eux, les pein­tres, sculp­teurs, pho­to­gra­phes, vidéas­tes, ins­tal­la­teurs du monde arabe, ou ori­gi­nai­res du monde arabe, sont portés par une dyna­mi­que d’excep­tion.

L’art contem­po­rain est devenu trans­na­tio­nal – trans­cultu­rel ; l’impact des zones géo­gra­phi­ques et his­to­ri­ques qui se jux­ta­po­sent ou s’inter­pé­nè­trent un fac­teur de plus en plus déter­mi­nant sur la créa­tion. « A la dif­fé­rence des orien­ta­lis­mes de l’ima­gi­naire, où l’Autre était une cons­truc­tion occi­den­tale faite de cli­chés, de sté­réo­ty­pes, et d’exo­tisme colo­nial, l’Orient est désor­mais dans l’Occident, et réci­pro­que­ment. D’où la nais­sance d’esthé­ti­ques de l’entre­deux, signes d’un nou­veau tra­vail de l’ima­gi­naire de plus en plus métissé. » écrit Christine Buci-Glucksmann dans le livre de l’expo­si­tion Traits d’union – Paris et l’art contem­po­rain arabe dont je suis le cura­teur. Après son succès à la Villa Emerige, en automne 2011, cette der­nière - dont Najia Mehadji fait partie - va être montré, entre autres, à Beyrouth, à Sanaa, à Abu Dhabi, …

Un art du XXIe siècle
Najia suit sa voie. Elle fait partie des artis­tes arabes ou ori­gi­nai­res du monde arabe les plus inté­res­sants, qui uti­li­sent la gram­maire inter­na­tio­nale de l’art contem­po­rain tout en ayant un voca­bu­laire spé­ci­fi­que. Revendiquant sa part fémi­nine au point de pren­dre pour thème le floral (ce qu’il y a de plus péjo­ra­ti­ve­ment connoté comme fémi­nin), elle peint des « fleurs de volupté » qui se dila­tent et qui vibrent. Invente une cal­li­gra­phie au fémi­nin où la ligne conti­nue d’un geste trace des plis et des replis dans un mou­ve­ment inté­rieur/exté­rieur à la fois sen­suel et sublime. Parvient à capter ce qui est pre­mier, nais­sant, un temps d’avant le temps, afin de sur­mon­ter la dua­lité qui cons­ti­tue le noyau dur de l’être et y sub­sti­tuer « l’uni­dua­lité ». Là où il y a le maxi­mum d’inten­sité. Là où les oppo­si­tions peu­vent se conjoin­dre. Là où tout est ten­sion et réconci­lia­tion.

Crée des icônes contem­po­rai­nes où s’unis­sent le dessin et la pein­ture, le fond et la forme, la struc­ture et le flux, la sub­jec­ti­vité sen­si­ble de l’être et l’archi­tec­ture élémentaire du cosmos, le direct et le dif­féré, l’esthé­ti­que de l’Orient et de l’Occident.

Diastole-Systole.
Sa pein­ture et ses des­sins sont à la fois réflé­chis et spon­ta­nés, au cœur de l’élémentaire – hap­ti­que - et cepen­dant raf­fi­née – opti­que. Ses œuvres sont une ligne de crête entre l’épreuve des limi­tes et l’illi­mité de l’invi­si­ble. Ses images évidentes et rayon­nan­tes, un hymne à la vie où tout est « visage » - flux, fer­ti­lité, épanouissement, beauté, grâce fugace du réel, grâce pré­caire de l’être… Un huma­nisme cos­mi­que.

(Pascal Amel, Najia Mehadji, ou le sublime contem­po­rain, 2012).

Copyright © Galerie Claude Lemand 2012.

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