ANAS ALBRAEHE, Bab Alhawa - Porte du Vent - Porte de l’Exil.
Exposition personnelle de huit grandes peintures du jeune artiste syrien (né en 1991), établi à Beyrouth et à Paris.
Date : du 21 novembre 2022 au 11 janvier 2023.
Lieu : Galerie Claude Lemand , 70 avenue Jean Moulin , 75014 Paris.
Visites : tous les jours, uniquement sur rendez-vous.
Tél. 06 7377 0589 . Email : clemand@orange.fr
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Par Thierry Savatier
Ses peintures les plus récentes, de la série « Bab Alhawa - Porte du Vent » - nom du poste frontière qui sépare la Syrie de la Turquie, - sont également consacrées aux réfugiés, mais cette fois saisis dans leur trajet vers l’exil. L’artiste s’intéresse ici aux femmes, aux adolescents et aux enfants assis ou, le plus souvent, endormis dans les bennes des camions qui les transportent au hasard des conflits vers des zones plus tranquilles. Il choisit de les peindre dans cet espace délimité, allongés au milieu de volumineux baluchons taillés dans des tissus de couleurs vives, jadis assez fréquents dans les campagnes levantines. Le spectateur comprend que ces paquets constituent non seulement leur viatique mais qu’ils renferment finalement les seuls biens personnels qu’ils ont pu sauver. Toute une vie réduite à une besace…
Bien sûr, on peut à bon droit établir un lien entre leur sommeil et la fatigue, voire à l’accomplissement d’un rythme biologique naturel. Cependant, Anas Albraehe entretient un intéressant paradoxe esthétique entre la situation personnelle sombre de ces réfugiés et l’environnement au chromatisme chatoyant qui les entoure, où dominent les rouges et les jaunes les plus ardents. Le contraste entretenu suggère au regardeur une interprétation qui le porte au-delà des apparences. Car le sommeil ne se limite pas à sa fonction réparatrice ; il est aussi le medium privilégié du rêve. A quoi ces personnages ballottés songent-ils ? Peut-être répondent-ils à la célèbre invitation d’Antoine de Saint-Exupéry : « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve une réalité » ? Onirisme dans l’onirisme… Peut-être pourraient-ils dire, à l’image de Léon-Paul Fargue : « J’ai tant rêvé que je ne suis plus d’ici » ? Peut-être enfin songent-ils simplement au bonheur d’un retour au pays et à la reprise de leur vie, antérieure au chaos qui les a jetés sur les routes. Nul ne saurait le dire. Pourtant, une certitude s’impose, qui ménage une part d’espoir : comme on le devine, le destin les a privés de leurs biens, les a éloignés de leur terre d’origine, les a séparés de leurs familles ; il restera cependant impuissant à les amputer de leurs rêves.