Antonio Seguí

1934 Naissance d’Antonio Seguí à Córdoba (Argentine).

1951-1954 Voyage en Europe et en Afrique. Etudie la pein­ture et la sculp­ture en France et en Espagne.

1957 Première expo­si­tion indi­vi­duelle en Argentine. Voyage à tra­vers l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale. Séjourne au Mexique où il étudie toutes les tech­ni­ques de la gra­vure.

1961 Retour en Argentine.

1963 S’ins­talle à Paris, puis à Arcueil, où il vit actuel­le­ment.


Daniel Abadie, Suivre Seguí, 2003.

Combien d’arbres faut-il pour faire une forêt ? Et com­bien d’hommes pour faire une foule ? Si l’arbre, comme l’ensei­gne la sagesse popu­laire, peut nous cacher la forêt, que nous cache donc l’homme qui tra­verse pres­que de bout en bout l’oeuvre d’Antonio Seguí ? Identique et tou­jours dif­fé­rent, il est à la fois le témoin (au sens où Marcel Duchamp enten­dait ce terme lorsqu’il par­lait de témoins ocu­lis­tes) et l’arpen­teur de la pein­ture. Son arri­vée pour­tant sem­blait for­tuite lors­que, après une période de pein­ture matié­riste (1958-1962) jux­ta­po­sant toiles abs­trai­tes et évocations figu­ra­ti­ves et où abon­daient les réfé­ren­ces à Burri ou Dubuffet, Seguí don­nait en 1962 déli­bé­ré­ment aux figu­res la place pri­mor­diale dans son tra­vail, rom­pant ainsi avec la pré­do­mi­nance de l’art abs­trait et se pla­çant dès lors aux pre­miers rangs de la nou­velle figu­ra­tion et du pop’art.

L’homme de Seguí est sans visage - qu’il soit sil­houette ano­nyme rem­plis­sant l’espace du tableau pour trans­for­mer celui-ci en ville, en théâ­tre urbain ou figure isolée qui ne semble que passer -, non qu’il soit dépourvu d’yeux, de nez (assez faci­le­ment proé­mi­nent, au contraire), de bouche… mais il est sans phy­sio­no­mie comme pour mieux nous per­met­tre de nous iden­ti­fier, de lui prêter nos traits. Il est ainsi en action cette marion­nette que sem­blait avoir tuée Monsieur Teste, l’image cri­ti­que de l’homme, notre image.
Parce qu’elle est par­cou­rue d’une cons­tante vérité inté­rieure qui en assure par là même la cohé­rence, on per­çoit sou­vent mal com­bien l’oeuvre de Seguí s’est diver­si­fiée tout en res­tant une. Des pre­miè­res toiles ins­pi­rées de pho­to­gra­phies ancien­nes aux peti­tes cons­truc­tions de bois découpé (réa­li­sées au milieu des années 60), la dis­tance pour qui s’en tient à la sur­face des oeu­vres semble immense, aussi grande d’ailleurs que celle qui existe entre les Exercices de style et les Parcs noc­tur­nes, les Textures chro­ma­ti­ques des années 1980 ou les Multitudes.

C’est qu’il s’agit pour le pein­tre de dire - et de redire tou­jours dif­fé­rem­ment - cette alié­na­tion qui dépar­tit l’indi­vidu de tout ce qui lui est propre pour le réduire à son seul com­por­te­ment social, à une image modèle. Pour ce faire, Seguí use indif­fé­rem­ment du tra­gi­que ou du cocasse, de l’élégie et de la satire, tout comme il le fait des som­bres bitu­mes ou des trans­pa­ren­ces d’arc-en-ciel de l’aqua­relle, de la pré­ci­sion pho­to­gra­phi­que des fusains sur toile ou du rac­courci sté­no­gra­phi­que d’un dessin volon­tiers cari­ca­tu­ral.

Dans ce per­ma­nent jeu de bas­cule, l’oeuvre de Seguí trouve ses repè­res parmi ces artis­tes qui, tous, ont rejeté le for­ma­lisme de l’abs­trac­tion et entendu redon­ner place au quo­ti­dien, voire au banal. Que ce ne soit ni près des pop’artis­tes venant de s’affir­mer (Lichtenstein, Warhol, Wesselmann…), ni près des Nouveaux Réalistes que l’ins­tal­la­tion de Seguí à Paris en 1963 ren­dait encore plus pro­ches que s’ins­crive alors l’oeuvre du jeune pein­tre est signi­fi­ca­tif : ses repè­res, c’est auprès d’artis­tes comme Larry Rivers - celui des por­traits de Bonaparte qui marqua aussi Arroyo -, David Hockney ou Allen Jones qu’il les pren­dra. Marginaux d’une époque, il lui évite l’embri­ga­de­ment, lais­sant la porte à la recher­che, à l’ima­gi­na­tion, à cette liberté qui chez lui s’appelle le plai­sir de pein­dre.

Mais la figu­ra­tion ne signi­fie pas pour Seguí le rejet de l’abs­trac­tion ; bien au contraire il uti­lise celle-ci comme un moyen de tendre l’image figu­ra­tive, de lui donner une charge dif­fé­rente. Avec un sys­tème simi­laire à celui de Francis Bacon qui consiste à situer les per­son­na­ges du tableau dans une struc­ture abs­traite géo­mé­tri­que, leur créant ainsi un lieu indé­fini mais pré­sent, Seguí par­vient à com­pac­ter jusqu’à l’absurde les figu­res de Box with gent­le­men (1963), sans doute la pre­mière oeuvre où il uti­lise cette tech­ni­que. C’est le même prin­cipe, cette fois maté­ria­lisé sous forme d’un cube de bois uni­for­mé­ment peint en bleu pour figu­rer la mer et d’où émergent les cari­ca­tu­ra­les figu­res de bai­gneurs de Punta del Este, qu’il met en oeuvre, sous forme de socle, dans les cons­truc­tions qui dou­blent au milieu des années 1960 son tra­vail pic­tu­ral. Mais par delà leur fonc­tion plas­ti­que - sug­gé­rer un espace sans le déter­mi­ner - ces boîtes sont aussi des cages, figu­res de l’enfer­me­ment et de l’alié­na­tion. Les gais bai­gneurs ne sor­ti­ront pas plus de leur mer que les gent­le­men ne s’échapperont de leur cadre, car c’est sou­vent quand elle semble la plus sou­riante que l’oeuvre de Seguí se révèle la plus sombre.
Dans le temps, tou­te­fois, la déter­mi­na­tion d’un espace à l’inté­rieur de l’image par un réseau de lignes géo­mé­tri­ques en forme de clô­ture peut se révé­ler, comme l’oeuvre de Bacon l’a prouvé dans sa répé­ti­tion, une for­mule par­fois las­sante, voire un arti­fice. Seguí, pour sa part, a su éviter ce pro­blème non en renon­çant à ce puis­sant contraste de ligne et du pul­lu­le­ment des figu­res mais en fai­sant sim­ple­ment coïn­ci­der avec les limi­tes de la toile la découpe arbi­traire de la cage. Dans cet uni­vers clos impli­cite que déli­mi­tent les quatre côtés du tableau, le mou­ve­ment appa­raît comme sus­pendu, figé. Les figu­res qui tra­ver­sent les toiles de Seguí ont beau sem­bler se hâter, allon­ger le pas, elles ne sor­ti­ront jamais des parois du bocal trans­pa­rent où elles s’agi­tent comme des pois­sons pri­son­niers : ces tra­ver­sants aux démar­ches inu­ti­les ne fran­chi­ront jamais les limi­tes du cadre.

Cette agi­ta­tion sans objet mais fré­né­ti­que qui se déploie dans les toiles de Seguí depuis les années 80 trouve un étrange répon­dant dans les pein­tu­res où l’allure des per­son­na­ges se fait plus lente, quand ils ne sont pas immo­bi­les. Ce sont alors les regards qui sont char­gés de trans­crire le mou­ve­ment, qu’ils soient appuyés comme ceux des pro­me­neurs des parcs noc­tur­nes détaillant fesses, seins ou bra­guet­tes ou perdus dans l’inac­ces­si­ble partie du tableau que contem­plent, le dos tourné au spec­ta­teur, les figu­res absen­tes des Paysages cham­pê­tres, de la Distancia de la mirada, voire même de cer­tai­nes des oeu­vres de la série consa­crée à Carlos Gardel.

Car la nos­tal­gie du monde argen­tin est part essen­tielle du tra­vail d’Antonio Seguí en ce qu’elle intro­duit une manière de dis­tor­sion dans sa pein­ture, une sorte de non-adhé­sion à l’image : nos­tal­gie d’un pays quitté, mais d’un pays si sem­bla­ble au nou­veau (ne dit-on pas de Buenos Aires qu’elle est la plus euro­péenne des capi­ta­les sud-amé­ri­cai­nes) qu’elle permet la dis­tance du regard (et par là même la cri­ti­que) sans cepen­dant ris­quer de verser dans l’exo­tisme. Dans ce retrait - “infra­mince” aurait dit Marcel Duchamp - se crée, de fait, la dis­tance cri­ti­que vis-à-vis de l’image, sa mise en examen.

C’est que l’oeuvre de Seguí est en réa­lité une oeuvre piégée. Se pré­sen­tant avec la plus grande sim­pli­cité, empreinte d’une légè­reté que semble cor­ro­brer son évident humour, elle appa­raît de prime abord comme image élégiaque, com­men­taire iro­ni­que et dis­tant sur le monde quant elle est en fait réflexion morale, leçon d’appren­tis­sage de la vision. Que notre monde soit pri­son­nier des contrain­tes exté­rieu­res pour qui sait le voir, c’est ce que nous dit la pein­ture de Seguí lorsqu’elle fait se cour­ber jusqu’à la pointe de la tour Eiffel pour la faire ren­trer, elle aussi, dans le cadre. Si ces per­son­na­ges arpen­teurs cons­trui­sent le rythme et la struc­ture des toiles, c’est la figure du cul-de-jatte dans sa caisse à savon munie de rou­let­tes qui est insi­dieu­se­ment récur­rente dans ses tableaux. Ces villes si joyeu­ses dans leur ani­ma­tion et leur dessin pri­mi­tif sont pour qui les regarde atten­ti­ve­ment coupe-gorge, au sens pre­mier du terme, puis­que nombre de têtes s’y retrou­vent pri­vées de tout corps et le Songe d’Aniseto res­sem­ble sur­tout à un cau­che­mar. Il n’est pas jusqu’à la figure de la cru­ci­fixion qui n’ait trouvé, allu­si­ve­ment d’abord, puis de façon expli­cite, place dans ces tableaux comme pour mieux mettre en évidence le carac­tère tra­gi­que, sous la séduc­tion de sur­face, de la vision du pein­tre.

Comme celui-ci nous invite à suivre, au moyen d’une ligne tracée sur la toile, le regard des pro­me­neurs noc­tur­nes de ses parcs jusqu’à l’objet de leur concu­pis­cence, il faut suivre Seguí dans le long péri­ple de ses séries pour appren­dre à voir, à l’inté­rieur du bocal de ses toiles, s’agiter sans espoir d’en sortir les figu­rants de notre monde. Que ceux-ci, d’évidence, nous tien­nent à l’oeil ou nous igno­rent déli­bé­ré­ment en nous tour­nant le dos, tous nous rap­pel­lent que seule la mince pel­li­cule de la pein­ture sépare leur monde de celui où, à notre tour, nous nous agi­tons en tous sens à l’inté­rieur du bocal.

© 2003 Daniel Abadie, Antonio Seguí, Musée des Beaux-Arts/Villa Steinbach, Mulhouse, France, 2003.


Daniel Abadie, 2005. Les voya­geurs sans baga­ges d’Antonio Seguí.

De la poésie, Claudel assu­rait qu’elle était de la pensée isolée par du blanc. Telle une pompe car­dia­que se contrac­tant pour se vider avant de s’emplir à nou­veau, la pensée poé­ti­que lui sem­blait un mou­ve­ment cycli­que, un mode alter­na­tif où la césure - comme la marge de la page impri­mée, le cadre du tableau - ménage un pas­sage, une res­pi­ra­tion, permet de repren­dre souf­fle. De la pein­ture de Seguí, depuis quel­ques décen­nies, on pour­rait dire, à l’opposé, qu’elle est celle d’un flux continu, d’une façon de flot cons­tant, char­riant dans son cou­rant les villes et les voi­tu­res, les hommes et les femmes, les avions et les nuages, les arbres et les fumées. Nulle hié­rar­chie dans cette débâ­cle où les culs-de-jatte sont plus grands que les auto­mo­bi­les, les pas­sants que les mai­sons, les arbres que les nuages ; nulle logi­que non plus dans leurs ren­contres ou leur dis­per­sion. La main qui les trace au fusain sur la toile blan­che semble sim­ple­ment décou­vrir et révé­ler une atti­rance magné­ti­que entre choses et êtres, aiman­ta­tion qui décide par elle-même de l’arri­vée d’une image, de sa répé­ti­tion ou de sa confron­ta­tion avec une autre. Car c’est une forme d’auto­ma­tisme – au sens où André Breton enten­dait le mot - qui est à l’œuvre sur la toile et la couvre uni­ment de ces figu­res repri­ses d’une toile à l’autre jusqu’à ce que les bords du tableau sem­blent, seuls, en conte­nir l’expan­sion. Si évidemment figu­ra­tive, la pein­ture de Seguí pro­cède quant à son exé­cu­tion à la manière des œuvres de Pollock ou des abs­traits for­ma­lis­tes de la seconde moitié du ving­tième siècle dans leur souci de remet­tre en ques­tion le clas­si­que point focal de la pein­ture pour y sub­sti­tuer des zones également acti­ves d’un bord à l’autre du tableau.

Pourtant, dans l’égale den­sité que Seguí recher­che dans ces œuvres, l’artiste joue par­fois du non-peint, pro­dui­sant dans le conti­nuum de la pein­ture de véri­ta­bles failles. Celles-ci peu­vent isoler un per­son­nage ou un ensem­ble de pas­sants, créer un chan­ge­ment de regis­tre entre le haut et le bas du tableau, sug­gé­rer une image. A l’inverse du point de vue clau­dé­lien sur le blanc, elles n’iso­lent pas du sens, elles le pro­dui­sent. C’est ce non-peint - déli­mi­tant en une sorte de mon­ti­cule ou de pain de sucre un amal­game de figu­res, d’arbres et de mai­sons qui auraient dû natu­rel­le­ment pro­li­fé­rer sur toute la sur­face de la toile - qui sug­gère, plus que l’image même, l’asso­cia­tion avec Le Mont Saint-Michel dont ce tableau porte le titre. C’est ce même non-peint, cou­vrant cette fois la partie infé­rieure de la toile, dont Seguí se sert dans Los Sueños d’Aniseto ou Con ideas en la cabeza pour visua­li­ser, selon un prin­cipe cou­tu­mier aux bandes des­si­nées, la pensée d’un per­son­nage qui par­ti­cipe simul­ta­né­ment de deux regis­tres du tableau : au centre, le corps cerné de vide mono­chrome ; en haut, la tête prise dans la tex­ture conti­nue de l’image. Ce qui pour­rait n’être qu’un arti­fice plas­ti­que se révèle par la mul­ti­tude d’emplois qu’en fait le pein­tre riche de sens : brouillard ou fumée noyant l’image (Cuando te vuelve a ver), îlot de pein­ture dans le blanc de la toile (Gente a la espera de una cita de amor), rue par­ta­gée entre ombre et soleil (Sin fun­da­men­tos), voire manière iné­dite de trans­crire la pers­pec­tive (Se creía Orson Welles). Ce pas­sage du peint au non-peint, de l’expli­cite à l’impli­cite, Seguí l’a par­fois spé­ci­fié sous forme d’une échelle unis­sant les deux zones (Subís si podés, La gran esca­lera) comme pour mieux sou­li­gner l’échange ainsi créé, retrou­vant intui­ti­ve­ment cer­tai­nes images de la pein­ture ancienne, telles celles du rêve de Jacob, où l’échelle mène du monde du songe à celui de la révé­la­tion.

Si, à l’inverse de la défi­ni­tion clau­dé­lienne, la marge blan­che isole de fait, chez Seguí, non la pensée mais la confu­sion conti­nue - celle des villes, de leur mou­ve­ment, de leurs pro­mis­cui­tés -, il arrive aussi au pein­tre, comme pour contre­dire cette écriture machi­nale qui recou­vre d’abord la toile de des­sins au fusain, de s’inven­ter des chausse-trap­pes, de se poser des pièges. En divi­sant, par exem­ple, la toile vierge en égales par­ties recou­ver­tes d’une cou­leur de fond dif­fé­rente, sortes de trip­ty­ques ou de qua­drip­ty­ques impli­ci­tes, Seguí intro­duit dans le tableau des solu­tions de conti­nuité que le pein­tre doit ensuite résor­ber. Cette manière de débus­quer le carac­tère répé­ti­tif du geste ini­tial, de contre­ve­nir à la cou­ver­ture uni­forme de la toile par le dessin néces­site une cons­tante remise en cause : com­ment ache­ver natu­rel­le­ment sur un fond de cou­leur rose ou verte un per­son­nage com­mencé sur de l’ocre ? Le tra­vail de Seguí consiste à faire que, devant l’œuvre, le spec­ta­teur ne se pose plus les ques­tions que le pein­tre a dû résou­dre, que l’évidence du résul­tat masque les inven­tions, que l’aisance finale de la démons­tra­tion fasse du tableau non un pro­blème résolu mais une chose donnée.

Pourtant, c’est en termes de ques­tions que doit se consi­dé­rer la pein­ture de Seguí : celles qu’un pein­tre se pose à lui-même pour qu’après des années d’expé­rience l’exer­cice de la pein­ture ne se trans­forme en une façon d’arti­sa­nat. L’œuvre de l’artiste a com­mencé à s’affir­mer alors que venait de triom­pher avec la pein­ture amé­ri­caine les normes du for­ma­lisme abs­trait. A ses débuts, la géné­ra­tion qui est la sienne – celle des pop’artis­tes euro­péens, de Hockney à Erró, ou sud-amé­ri­cains comme Botero -, en réin­tro­dui­sant un flot d’images dans la pein­ture sem­blait rompre fon­da­men­ta­le­ment avec une abs­trac­tion deve­nue aca­dé­mi­que. Si l’image prit ainsi, dans les pre­miè­res années, une place déter­mi­nante dans le tra­vail de Seguí au point que c’est par leurs sujets que s’iden­ti­fiaient alors les pério­des de sa pein­ture (Leçon d’ana­to­mie, Carlos Gardel, Parcs noc­tur­nes…), une sorte de fil cons­tant s’est établi depuis deux décen­nies avec ces images de villes sur­peu­plées dont l’ico­no­gra­phie lui appar­tient tel­le­ment en propre qu’elle oblige à ne consi­dé­rer que le mode de pein­ture qu’elle emploie. Karlheinz Stockhausen ne notait-il pas jus­te­ment à propos d’une de ses com­po­si­tions dont les thèmes étaient ceux des hymnes natio­naux célè­bres : « Plus le quoi va de soi et plus on sera atten­tif au com­ment.”
C’est jus­te­ment ce pro­blème qui est aujourd’hui au cœur des tableaux de Seguí : com­ment pein­dre de manière tou­jours nou­velle une série de signes - hommes cha­peau­tés, chopes en forme de visa­ges, femmes agui­chan­tes, figu­res en marche… - par­fai­te­ment connus sans répé­ter le tableau qui les intè­gre ? A cela, Seguí a trouvé une solu­tion de pein­tre : ne pas s’en tenir aux normes clas­si­ques de la pein­ture. Comme il avait com­mencé, dans ses gra­vu­res, à com­bi­ner les tech­ni­ques, rehaus­sant d’aqua­relle des eaux-fortes ou des mono­ty­pes jusqu’à ce que celles-ci échappent à toute clas­si­fi­ca­tion (ori­gi­nal ? mul­ti­ple ? aqua­relle ? aqua­tinte ?), Seguí dans ses pein­tu­res des­sine au fusain, peint à l’acry­li­que, colle des frag­ments de jour­naux ou de maga­zi­nes, rom­pant tous les codes habi­tuels de la pein­ture et s’obli­geant ainsi à ne consi­dé­rer le dessin au fusain ini­tial que comme un pré­texte de l’œuvre. Peut-être est-ce dans cette atti­tude face à la pein­ture qu’il faut cher­cher la raison de ces écritures manus­cri­tes qui, dans une série de tableaux récents, com­blent les inters­ti­ces du dessin, tout aussi lisi­bles que celui-ci mais comme celui-ci également dépour­vues par leurs cou­pu­res, leurs recou­vre­ments sup­po­sés, de sens défini.

Car Seguí ne pro­pose pas, même en y inté­grant l’écriture, de lec­ture de ses tableaux. Son sens de la liberté, son humour pro­fond se refu­sent à obli­ger. Comme cer­tains de ses per­son­na­ges sem­blent courir l’un vers l’autre quand d’autres sem­blent se fuir, ses images atten­dent du spec­ta­teur qu’il leur apporte sa part de sens, sa part de rêve. C’est parce qu’elle cor­res­pond ainsi si plei­ne­ment à la défi­ni­tion qu’Umberto Eco don­nait de l’œuvre ouverte que la pein­ture de Seguí peut conti­nuer, en s’inven­tant chaque jour à nou­veau, à nous faire passer tour à tour, de toile en toile, de l’ombre à la lumière, du jour à la nuit, du plein au vide et de la terre au ciel.

© 2005 Daniel Abadie, Antonio Seguí, Peintures, sculp­tu­res, gra­vu­res (1980-2004), Centre d’Arts Plastiques, Royan, France, 2005.


COLLECTIONS PUBLIQUES :

Allemagne
Kunsthalle Darmstadt
Kunstverein zu Frechen
Städtische Museum, Leverkusen
Städtische Kunsthalle Recklinghausen

Argentine
Colección de Arte de la Cancillería Argentina, Buenos Aires
Fondo Nacional de las Artes, Buenos Aires
Instituto de Investigaciones Históricas de la Manzana de las Luces, Buenos Aires
MALBA-Colección Costantini, Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires
Museo de Arte Contemporáneo, Buenos Aires
Museo de Arte Moderno, Buenos Aires
Museo Nacional de Bellas Artes, Buenos Aires
Museo Nacional del Grabado, Buenos Aires
Museo de Arte Religioso Juan de Tejeda, Córdoba
Museo Municipal de Bellas Artes Dr. Genaro Pérez, Córdoba
Museo Provincial de Bellas Artes “Emilio A. Caraffa”, Córdoba
Centro de Arte Contemporáneo, Córdoba
Museo Provincial de Bellas Artes, La Plata
Museo de Arte Contemporáneo Latinoamericano–- MACLA, La Plata
Museo Castanigno, Rosario
Museo Provincial de Bellas Artes, Tucumán

Belgique
Ministère de la Communauté Française, Bruxelles
Cercle Culturel des Riezes et des Sarts, Cul-des-Sarts (Couvin)
Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée, La Louvière
Musée du Petit Format, Nismes

Brésil
Museu de Bellas Artes, Porto Alegre
Museu de Arte Moderna, Rio de Janeiro
Museu de Arte Contemporânea, São Paulo

Chili
Museo de la Solidaridad Fundación Salvador Allende, Santiago

Colombie
Biblioteca Luis Ángel Arango, Banco de la República de Colombia, Bogotá
Museo de Arte Moderno La Tertulia, Cali

Croatie
Musée d’Art Contemporain, Vela Luka

Cuba
Casa de las Américas, La Havane

Egypte
Universal Graphic Museum

Equateur
Casa de la Cultura, Quito

Espagne
Fundació Stämpfli, Sitges
Museo de Bellas Artes, Bilbao
Museo Extremeño e Iberoamericano de Arte Contemporáneo, Badajoz

Etats-Unis
Window South Collection, Glendale, Californie
MoLAA - Museum of Latin American Art, Long Beach, Californie
Museum of Latin American Art, Long Beach, Californie
Oakland Museum, Oakland, Californie
First National Bank of Chicago, Illinois
University Museum, Eastern Michigan
Walker Art Institute, Minneapolis, Minnesota
Museum of Modern Art, New York, N.Y.
Solomon R. Guggenheim Museum, New York, N.Y.
Vassar Art Gallery, Vassar College, Poughkeepsie, N.Y.
Pittsburgh National Bank, Pittsburgh, Pennsylvanie
Archer M. Huntington Art Gallery, The University of Texas, Austin, Texas
Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington D.C.
Interamerican Development Bank, Washington D.C.
Library of Congress, Washington D.C.

Finlande
Sara Hildenin-Taide Museum, Tampere

France
Musée d’Unterlinden, Colmar
Musée de Peinture et de Sculpture, Grenoble
Musée Martiniquais des Arts des Amériques – M2A2, Le Lamentin (Martinique)
Musée des Beaux-Arts, Lyon
Musée Cantini , Marseille
Cabinet des Estampes, Bibliothèque Nationale, Paris
Centre National des Arts Plastiques, Fonds National d’Art Contemporain, Paris
Mobilier natio­nal et les Manufactures natio­na­les des Gobelins et de Beauvais, Paris
Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Fonds Régional d’Art Contemporain, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Marseille
Fonds Départemental d’Art Contemporain, Seine Saint-Denis
Musée des Beaux-Arts, Tourcoing
MAC/VAL, Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine
Galerie Municipale, Vitry-sur-Seine

Grèce
Frissiras Museum, Athènes

Irak
Musée National d’Art Moderne, Bagdad

Italie
Fondazione Michetti, Francavilla al Mare
Museo all’aperto di Arte Contemporanea “Creator Vesevo”, Ercolano

Japon
National Museum of Western Art, Tokyo

Mexique
Palacio de Bellas Artes, Mexico

Nicaragua
Museo de Arte Latinoamericano, Managua

Paraguay
Museo de Arte Moderno, Asunción

Pays-Bas
Museum Boymans van Beuningen, Rotterdam
Museum van Hedendaagse Kunst, Bois-Le-Duc

Pérou
Instituto de Arte Contemporáneo, Lima
Museo de Arte Moderno - Fundación Gerardo Chávez, Trujillo

Pologne
International Print Triennial Society, Cracovie
Museum Sztuki, Lodz

Porto Rico
Museo del Grabado, San Juan

République Tchèque

Národní Galerie, Prague

Serbie-Monténégro
Muzej Savremene Umetnosti, Belgrade

Slovaquie
Maison des Arts, Bratislava

Slovénie
Musée d’Art Moderne, Ljubljana

Suisse
Kunsthalle Basel, Bâle

Uruguay
Museo de Arte Contemporáneo Latinoamericano, Punta del Este

Venezuela
Museo de Bellas Artes, Caracas
Universidad Central, Caracas

Copyright © Galerie Claude Lemand 2012.

Réalisation :: www.arterrien.com